Friday, April 21, 2006

francaises du pacifique | la loi sur la parite

SEMINAIRE REGIONAL SUR LA PROGRESSION DE LA REPRESENTATION DES FEMMES DANS LES ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES DU PACIFIQUE
Rarotonga – Iles Cook du 19 => 21 avril 2006

LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI SUR LA PARITE
DANS LES TROIS COLLECTIVITES FRANCAISES DU PACIFIQUE
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Par Mme Béatrice VERNAUDON, Députée de la Polynésie Française

1 -  Présentation des 3 collectivités françaises du Pacifique

La République française compte 60 200 000 habitants dont 4 % (2 300 000 habitants) vivent "Outre-mer" répartis sur 3 océans :

  • Dans l’Atlantique : la Guadeloupe – la Martinique – la Guyane et St Pierre et Miquelon;


  • Dans l’Océan indien : La Réunion, Mayotte;


  • Dans l’Océan Pacifique : la Nouvelle – Calédonie (230 800 habitants) – la Polynésie Française (249 200 habitants) – Wallis et Futuna (15 000 habitants).

Ces 9 collectivités sont classées dans la Constitution française selon 2 catégories :

Article 73 : Départements d’Outre-mer régis sur le principe d’identité législative : toutes les lois votées au Parlement s’y appliquent.

Article 74 : Collectivités à statuts particuliers régis sur le principe de la spécialité législative : les lois votées au Parlement français ne s’y appliquent que si la loi elle-même le précise.

Les 3 collectivités françaises du Pacifique appartiennent à l’article 74.

Une loi organique définit le statut particulier de chaque collectivité soumise à ce régime. Elle détermine également les lois qui s’y appliquent.

Les assemblées locales peuvent élaborer des règlements relevant du domaine de la loi, à l’exclusion des matières régaliennes (droit des personnes, sécurité, justice, monnaie…)

Aucun changement de régime ne peut avoir lieu sans le consentement des électeurs de la collectivité concernée.

2 – La loi française sur la Parité

Historique :

La France est le premier pays au monde à avoir inscrit dans sa constitution l’égalité d'accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.

En 1982, une loi modifiant le mode de scrutin municipal fut votée en stipulant que : "les listes de candidats ne peuvent compter plus de 75 % de personnes du même sexe". Cette loi fut aussitôt jugée anticonstitutionnelle, étant contraire à la Constitution et à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen "s’opposant à toute division par catégories des électeurs et des éligibles".

En 1995, dans le prolongement de la quatrième conférence mondiale de Pékin et parce que la France ne comptait que 11 % de femmes au Parlement - avant dernier des 15 pays européens avant la Grèce -  la parité est devenue un thème de campagne à l’occasion des élections présidentielles.

Dans son discours de politique générale en juin 1997, le premier ministre, Lionel JOSPIN s’engage à légiférer pour la parité en politique.

La loi relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a fait préalablement l’objet d’une modification de la Constitution (titre I – art. 3  et 4) le 08 juillet 1999 selon les dispositions suivantes :

"La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi".

L’introduction du mot "femme" dans la Constitution française renverse le modèle juridique qui assimilait la neutralité au masculin. Cela représente pour les femmes un droit accru à la citoyenneté au-delà de l’égalité devant l’éligibilité.

Ce fut un choix ambitieux d’étendre cette loi à l’ensemble du Territoire de la République, un changement  institutionnel radical et novateur de l’esprit républicain.

Il marquait une volonté de rénovation de la vie politique et constituait un puissant levier vers l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société.

Mécanismes :

La loi sur la parité adoptée le 06 juin 2000 introduit le principe de la parité des candidats dans tous les scrutins mais selon des mécanismes différents :

  • élections communales (+ 3 500 habitants) et régionales : parité par tranche de 6 candidats quelque soit le positionnement dans la tranche ;

  • élections européennes, assemblées de Pays (NC/PF/W&F) et sénatoriales (départements d’au moins 4 sénateurs) : parité obligatoire par alternance stricte : un homme – une femme – un homme – une femme…;

  • élections législatives : les partis sont pénalisés financièrement s’ils ne présentent pas autant de candidates que de candidats (pénalité proportionnelle au différentiel de candidats).

3 - Bilan contrasté de la loi en France (Tableau n° 1)

Depuis 2000, toutes les instances représentatives, locales et nationales, ont été renouvelées sous le régime de cette loi.

Constat :

  • La Parité hommes/femmes a eu des effets déterminants dans les élections à scrutins de liste (alternance stricte ou par tranche de 6) : élections régionales, élections européennes, élections sénatoriales (au moins 4 sénateurs) et élections municipales (+3500 habitants).

  • La Parité a eu un effet d’entraînement dans les communes de moins de 3500  habitants.

  • La Parité reste faible dans les autres élections : législatives, cantonales, sénatoriales (moins de 4 sénateurs). Le scrutin uninominal privilégie la réélection des sortants.

  • Les incitations financières qui prévoient des pénalités contre les partis qui ne présentent pas le même nombre de candidats de chaque sexe n’ont pas démontré leur efficacité.

  • La proportion de femmes est toujours plus importante parmi les candidats que parmi les élus : législatives de 1997 (22% des candidats étaient des femmes pour 11% des élus), législatives de 2002 (38% des candidats étaient des femmes pour 12,5% des élus).

  • Si la loi sur la Parité a permis aux femmes d’accéder en plus grand nombre dans les instances de représentation politique, il reste que l’analyse des situations montre que les femmes sont encore très largement exclues des postes à haute responsabilité

- 1 seule femme présidente de Conseil de région sur 26;

- 2 femmes présidentes de Conseil général sur 101;

- 6,5% de femmes maires de communes de + 3500 habitants.




Perspectives d’évolution :

Le 03 janvier 2006, le Président de la République, M. Jacques Chirac,  déclarait :

"La représentation nationale doit être à l’image de la diversité de la France, elle doit compter plus de femmes, plus de jeunes, plus de personnes issues de l’immigration. C’est une exigence démocratique et civique qui ne peut plus attendre".

A cet effet, il a proposé :

- Que la parité soit instaurée dans les exécutifs des régions et des communes de plus de 3 500 habitants ainsi que dans la désignation des délégués aux structures intercommunales;

- Que soient considérablement renforcées les sanctions financières contre les partis qui ne respecteraient pas les obligations de parité.

4 – La mise en œuvre de la loi sur la parité dans les collectivités françaises du Pacifique : un progrès démocratique inachevé   (Tableaux n° 2 – 3 et 4)

  • Wallis et Futuna

L’application de la loi sur la parité à l’occasion du renouvellement de l’Assemblée territoriale en 2002 a constitué une "exception française" puisque le nombre de femmes élues a régressé de 2/20 à 1/20 malgré l’alternance stricte obligatoire !

C’est que l’organisation communautaire conduit à multiplier les listes de candidats afin que les différents groupes familiaux concentrent leurs voix sur une personne de leur groupe et lui assurent son élection.

Toutefois, l’introduction de la notion de parité dans les déclarations de candidatures permet une participation de plus en plus marquée des femmes à l’élection des membres de l’assemblée territoriale et oblige désormais les hommes à compter avec les femmes pour la composition des listes.
  • Nouvelle – Calédonie

Comme en Polynésie, l’application de la loi sur la parité a révolutionné le paysage politique en portant le nombre de femmes aux Assemblées de province de 18 à 50 % et  au Congrès de 17 à 46 %.

Dans les communes de + de 3 500 habitants, le pourcentage de femmes élues est passé de 8 à 47 % et pour la première fois une femme a été élue maire.

Mais dans les communes où la loi ne s’applique pas le chemin à faire est encore long et laborieux pour le partage du pouvoir en espérant que les résultats dans les 11 communes soumises à la parité auront en 2008 davantage d’effet d’entraînement.

Fait tout aussi marquant, depuis mai 2004, deux femmes se retrouvent à la tête de l’exécutif pour la première fois dans l’histoire calédonienne.

De culture et de sensibilité politique différente mais pareillement attachées au développement et à la paix de leur pays, sauront-elles ensemble, conduire leur population à partager harmonieusement un destin commun ?
Ce défi mérite qu’elles soient soutenues par l’ensemble de la communauté océanienne.

  • Polynésie – Française

Les polynésiens ont vécu l’annonce de l’extension et des mécanismes de cette loi comme un choc d’autant qu’elle a été mise en œuvre en Polynésie Française moins d’un an après son adoption à l’occasion du renouvellement de l’assemblée de la  Polynésie Française en mai 2001.
Des listes paritaires : c’était un progrès nécessaire et c’est ce que prévoyait le projet de loi soumis à l’avis de l’assemblée polynésienne en 2000.

Mais l’alternance stricte plaçant les femmes en position d’éligibilité à égalité avec les hommes : quelle révolution et chez les hommes et chez les femmes !

L’insuffisance qualitative et quantitative du vivier féminin des partis politiques a été en 2001 un véritable casse-tête pour les partis politiques. Pour constituer les listes, les femmes ont été contactées et choisies sur des critères de compétences et de représentativité sociale afin de constituer une savante alchimie de représentation professionnelle, géographique, associative, religieuse, ethnique…

Les femmes n’avaient pour la plupart jamais songé à rentrer en politique mais elles se sont senties investies d’une mission qu’elles étaient déterminées à mener à bien dans l’intérêt général.

La loi a eu pour effet de passer le nombre de femmes à l’Assemblée de Polynésie Française de 4 / 41 (12 %) à 22 / 49 (45%) après l’élection et même à 26 / 49 (53%) après constitution du gouvernement faisant de l’Assemblée de Polynésie Française  la seule de la République « et du monde » à majorité féminine.

De plus, l’Assemblée de Polynésie Française devenait pour la première fois de son histoire présidée par une femme qui avait été précédemment ministre de l’emploi et de la condition féminine.

En 2002, pour la première fois également, les polynésiens élisaient un homme et une femme pour les représenter à l’Assemblée Nationale à Paris.

La loi ne s’est pas appliquée aux élections communales de 2001 alors que les femmes polynésiennes s’y étaient préparées. Il a été jugé par les partis comme « politiquement correct » de tendre à l’application de la loi.  Le nombre d’élues municipales est donc passé de 19 à 31 %, le nombre de femmes maires de 2 à 5 / 48 et le nombre de femmes maires délégués de 8 à 20 / 91.

ANALYSE



Si à Wallis et Futuna, la situation locale a démontré les limites du mode opératoire de la loi française sur la parité, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française, la féminisation rapide et massive du paysage institutionnel par la mise en œuvre de cette même loi est incontestablement un fait marquant de l’histoire de ces deux territoires, une étape majeure dans la marche vers l’égalité des droits des femmes et des hommes

La loi sur la parité est un outil essentiel d’émancipation politique des femmes océaniennes françaises en leur ouvrant l’accès aux lieux de pouvoir et de décision.

Mais elle révèle des paradoxes car la parité s’est imposée par la contrainte législative sans que les mentalités des hommes et des femmes soient préparées.

Les femmes sont entrées dans un monde organisé pour et par les hommes, où les comportements et les votes sont encore guidés par les logiques de partis.
Elles se sont senties malgré elles victimes des clivages politiques souvent contraires à l’intérêt général auquel elles aspiraient.

Non formées à la culture politique, non expérimentées en la matière, non aguerries au combat politique de base comme peuvent l’être les parlementaires qui ont brigué une élection à scrutin uninominal, elles n’ont pas pris , tant dans leur parti que dans le fonctionnement de l’Assemblée, la place que l’on pouvait espérer pour influencer et la façon de faire de la politique (en corrigeant les dérives de l’ambition, de l’esprit partisan ou de l’intolérance dont les hommes l’avaient marquée) et les priorités d’action (qui auraient la nécessité des réformes de lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, la violence…).

Au niveau des communes de la Polynésie Française par contre, où la progression de la représentation des femmes est également sensible (de 19% à  31%) en 2001 malgré la non application de la loi sur la parité comme en Nouvelle-Calédonie, leur assurance et leur efficacité  ont été facilitées par l’existence d’une formation des élus et des personnels communaux organisés par le syndicat pour la promotion des communes.

Les élues municipales sont beaucoup plus consommatrices de formation que leurs collègues élus.
Elles sont aussi plus nombreuses que les hommes à s’impliquer comme formatrices d’élus.
La solidarité est forte et positive entre elles. Portées par des projets communs, elles transcendent aisément les clivages politiques. Elles sont  plus engagées dans la gestion de la réalité quotidienne, s’investissent en temps, mais pour des raisons culturelles, lors du passage à la communication et à la légitimité des actions, elles acceptent encore trop souvent que leurs collègues élus soient mis en avant.

Elles seront rapidement confrontées à la nécessité de briguer le pouvoir de maire pour faire évoluer l’efficacité de l’institution et répondre aux défis du développement durable et harmonieux dont elles ont appréhendé concepts et méthodologie.

CONCLUSION

La loi française sur la parité qui repose sur l’égalité en droit d’accès des hommes et des femmes en politique, est une référence universelle, mise en œuvre depuis 2001 jusqu’en Océanie.

Cependant, cette loi, comme celle des quotas, montre ses limites lorsqu’elle n’est pas accompagnée sur le long terme de mesures pour changer les mentalités des hommes et des femmes et pour donner les moyens aux femmes de faire de la politique autrement d’une part, de construire un développement centré sur la dignité de la personne humaine et de l’équité d’autre part.

Pour finir mon propos et en pensant aux femmes politiques de Nouvelle-Calédonie qui n’ont pu se joindre à nous comme elles m’auraient espéré, je voudrais reprendre les propos de la plus illustre d’entre elles, Mme Marie-Noelle THEMERAU, Présidente depuis 2004 du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Le 08 mars, au siège du Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique à Nouméa, elle disait :

« Comme les féministes au début du siècle dernier, je crois que les femmes doivent influencer la vie politique vers un apaisement.
La politique a été, est et restera un combat mais il est beaucoup de combats que l’on gagne par l’honnêteté, le respect de l’autre et l’authenticité.

L’engagement au sein d’un parti politique n’exclut pas l’autonomie. Rien n’oblige  à adopter un comportement agressif, méprisant.
Il faut se démarquer du « modèle » masculin, en finir avec la violence, le cynisme, l’intolérance à l’autre.

Les femmes échouent en politique si elles se comportent comme les hommes.
Il faut faire entendre notre voix vers la paix, la sérénité, le souci de l’autre, au service su peuple dans une démarche humble mais déterminée »

2 comments:

Anonymous said...

Voir aussi l'intervention de Mme Béatrice VERNAUDON, députée de la Polynésie française
Colloque au Sénat les 27 et 28 avril 2006, organisé par francofffonies !

"La mondialisation, une chance pour la francophonie"

Une partie de son discours est consacré aux femmes du pacifique

Lien : http://colloquefrancophonie.blogspot.com/

Anonymous said...

EGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ELECTORAUX - Point sur la mise en œuvre de la parité en Polynésie française.

Assemblée nationale - Jeudi 18 janvier 2007
égal ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES aux mandats électoraux Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

L'intervention de Mme Béatrice Vernaudon députée de la polynésie française est en ligne :
http://paritehommesfemmes.blogspot.com